Sur cette page : évocation d'une tradition
La montée à l'alpage
À l’aube d’un matin radieux du début des beaux mois, une famille paysanne est en effervescence. Tout ce petit monde se prépare à déplacer le troupeau et partir à l’alpage pour la belle saison. Les bêtes, principales actrices de l’évènement, ont été lavées, harnachées, décorées et doivent probablement sentir le changement par suite d’une longue période passée à l’étable.
Les enfants ont de la peine à contenir leur excitation tellement leur joie est grande. La journée débute par un déjeuner solide, tenant compte de l’effort soutenu qui sera demandé à chacun lors de cette longue journée faite de préparatifs et du déplacement par une longue marche jusqu’au lieu prévu, où les verts pâturages de montagne, riche et gras à souhait, n’attendent plus que la présence du groupe de bovins.
Cette période restera sans aucun doute dans le souvenir qui marque généralement l’humain lors de sa période d’enfance. Le genre de souvenir qui l’accompagne durant toute une vie, qui met du baume dans son cœur et qui revient régulièrement dans sa mémoire par une présence, une odeur, une vue, une musique, un son.
Femmes, hommes, filles et garçons s’habillent des vêtements traditionnels, prennent cannes et bâtons et entament une journée qui leur appartient. Une journée faite pour eux depuis des temps anciens, se rapportant à un retour à des hauts lieux, pas toujours facilement accessibles et qui demandent force et volonté pour y parvenir.
Le troupeau déambule de façon organisée sur la route en bas, le passage dans le village, ensuite la situation parfois se fait plus difficile, il faut prendre le chemin qui devient de plus en plus étroit et la pente qui se fait de plus en plus abrupte. À l’heure où le soleil est au zénith, la chaleur se fait sentir et la douleur de l’effort commence à tendre les muscles car il faut diriger, surveiller, contenir et marcher rapidement, encore et encore.
Enfin, après plusieurs heures d’effort, c’est l’arrivée au chalet. Il est là, vieux et immuable, planté à la manière d’un arbre dont les racines sont accrochées au fond de la terre et de la pierre. La journée n’est de loin pas terminée car il faut organiser le séjour, mettre en place un peu du confort souvent limité de l’endroit pour se préparer à passer une période de vie dans un lieu souvent très isolé, qui verra la fabrication des produits issus du cheptel.
Prête à démarrer une nouvelle saison, la famille est prise dans un sentiment de renouveau, se trouvant généralement dans un lieu majestueux, où les pentes recouvertes d’herbes font face à des monts plus élevés, où rochers et caillasses se mêlent, où la neige s’invite même durant l’été, où l’orage résonne et claque plus fort qu’ailleurs, où le sauvage domine par la force d’une nature à qui on ne la fait pas et qui même si elle offre une palette de splendeurs, n’en est quand même pas prête à faire des courbettes car c’est elle qui joue la mesure de la symphonie alpestre.
La vue du passage du troupeau, celle-là même que l’on aime voir sur les beaux découpages, parvient à faire frissonner, preuve en est que l’ancestrale montée à l’alpage fait corps avec l’âme de bien des gens, qu’ils soient d’ici ou d’ailleurs. Etienne